pense-bête
Jacqueline Borel Freymond
Première édition: 2009
Editeur: Editions à la Carte
Nombre de pages: 194
ISBN: 978-2-88464-919-3
Les deux tourterelles Le père Chavaillard était venu de la Vallée de Joux travailler en ville. Il était charpentier. Dans sa famille, ils étaient charpentiers de père en fils. Depuis de nombreuses années, il touche l’A.V.S.. Il s’ennuie un peu, uniquement occupé à essayer d’être, puisqu’il ne peut plus faire maintenant, lui qui a tant œuvré de son corps, de ses mains et de son esprit habile. Il habite au dessus de l’atelier que son fils exploite, puisque l’aîné est également devenu charpentier. Il n’embête jamais le fiston en lui disant : « de mon temps, on faisait comme ci, on faisait comme ça ». Ainsi, quand l’envie le prend, il peut descendre respirer l’odeur du bois scié, pousser du bout de ses gros souliers les copeaux sur le côté. Il est bien reçu par les ouvriers. Il ne reste pas longtemps. Ensuite, il remonte lentement l’escalier jusqu’à l’appartement, avec un petit cornet de sciure pour la caisse du chat. Oui, le père Chavaillard adore les animaux. Cet amour le console du temps qui passe, à la fois lentement et trop vite, des dures paroles de sa femme qui récrimine sans arrêt sur ses filles qui la laissent tomber, elle qui a tant fait pour les élever, sur sa belle-fille qui ne vaut pas cher, sur les pêches trop dures ou les raisins pas assez sucrés. Le père Chavaillard est un philosophe qui s’ignore. Il n’ignore cependant pas que peu de gens savent vieillir, parce que c’est difficile. Il sait faire le gros dos, comme sa minette Cachou lorsqu’il la caresse et qu’elle le lui rend bien. Il passe ses heures devant la télé, les jours de pluie, la chatte sur les genoux. Elle ronronne puis se tait en dodelinant de la tête. Il a toujours pris les animaux en exemple. Tout au long de sa longue existence, le père Chavaillard a recueilli bien des chats perdus, hébergé des chiens en mal de maître, pour une nuit, pour un mois et même bien davantage, voire pour toujours… Un de ces matins de fin mars ou de début d’avril, où il semble que l’hiver n’en finit pas de finir, il a recueilli deux tourterelles transies de froid, presque inanimées de faim. Il leur a donné de la mie de pain trempée dans un peu d’eau et de kirsch. Il les a tendrement déposées sur une plaque à gâteau, dans le four préalablement tiédi de la cuisinière électrique. Il les a laissées ainsi, la porte du four ouverte, pour qu’elles se réchauffent. Elles somnolaient sans peur. Elles se sont vite requinquées et leur œil a retrouvé son brillant. Il a ouvert la fenêtre et leur a rendu la liberté.
Commande :
Jacqueline BOREL-FREYMOND
Ruelle du Croset 6
CH-1009 PULLY – VD
Tél. 021 728 33 62
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